Des acteurs engagés pour une appropriation de l’innovation
Oumarou El hadj Bani Gasso est éleveur et membre de l’Union Communale des Organisations Professionnelles des Eleveurs de Ruminants (UCOPER) de Banikoara. Il a opté pour la production du fourrage pour nourrir son bétail afin de le maintenir sur place. Son objectif : limiter le déplacement des animaux afin de réduction les risques liés à la transhumance. Cette idée, Oumarou l’a eue suite à une sortie de terrain organisée par l’UCOPER à l’endroit de ses membres dans le village de Sabanga, où séjourne un éleveur engagé depuis 2013 dans la production du fourrage.
Grâce à l’appui de la Coopération suisse au Bénin, Oumarou va atteindre son objectif. Très fier, il nous raconte son expérience : « il y a deux ans, je devais résoudre une équation très difficile : trouver de l’aliment pour mes veaux - incapables de se déplacer sur une longue distance - et respecter en même temps l’interdiction de les faire pâturer ou de faucher du fourrage dans le Parc W protégé, pourtant à ma porte. En effet, la raréfaction du pâturage en saison sèche accroît la mortalité des veaux, faute de nourriture suffisante pour assurer leur croissance sur place et face à l’impossibilité de les conduire en transhumance comme les animaux adultes plus résistants. « Mon grand problème c’était de savoir comment faire pour sauver les veaux » a précisé Oumarou.
Face à cette situation, une solution va s’offrir à Oumarou : la production du fourrage pour nourrir ses animaux. Grâce au Fonds Communal pour le Développement Agricole (FCDA) mis en place dans le cadre du PASDeR, Oumarou va se lancer. Ainsi, avec l’appui technique de dame, Issa Demo Djoudé, assistante technique en transformation agroalimentaire et à la commercialisation (ATTAC) en poste à l’UCOPER Banikoara, Oumarou Bani va monter son dossier de prêt et le défendre brillamment afin de l’obtenir. En effet, il a mis l’accent sur plus de stabilité et moins de transhumance pour son troupeau. Le financement acquis, l’homme se lance dans la production fourragère. Celle-ci se fait pendant la saison pluvieuse et ne nécessite pas de conditions particulières : « il faut juste s’assurer qu’il a plu et que la terre est suffisamment mouillée. Ainsi, on peut jeter les éclats au sol. Même s’il ne pleut pas tout de suite après trois jours ou une semaine, si la pluie revient, ça peut prendre », a indiqué Oumarou Gasso.
Des veaux et des vaches laitières bien nourris et du lait en abondance
La production du fourrage a permis à Oumarou de bien nourrir ses animaux et de les garder au campement : « Quand on prend le cas des veaux, avec ce fourrage j’arrive à les entretenir jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de suivre leurs mères pour aller au pâturage. » Les vaches laitières sont également nourries au fourrage et produisent beaucoup de lait : « L’argent que lui procure le lait issu de la bonne alimentation de ses vaches lui permet de vite solder son crédit ». La production fourragère a permis également à Oumarou de limiter la mortalité de ses veaux et des animaux affaiblis par la faim et d’accroitre rapidement la taille de son troupeau.
Par ailleurs, l’augmentation de la production du lait a permis aux femmes de Oumarou de se prendre en charge. Ces dernières reçoivent quotidiennement une dotation de lait, dont elles vendent une partie au marché du village. Ce qui leur procure beaucoup d’argent pour elles-mêmes. L’une des épouses de Oumarou confirme : « La production a augmenté et on a le lait à tout moment », et Oumarou d’ajouter : « Ce qu’elles gagnent c’est leur argent et c’est le lait qui le leur procure. »
Vers la fin de la transhumance et la vente frauduleuse des animaux?
L’UCOPER dans ses plaidoyers a inscrit la production du fourrage dans sa stratégie de modernisation de l’élevage et comme approche susceptible de contribuer à réduire les risques liés à la transhumance. L’exemple de Oumarou El hadj Bani Gasso confirme la pertinence de cette orientation stratégique. Pour le moment, même si les quantités de fourrage produites par l’éleveur ne lui permettent pas de se passer de la transhumance, elles ont l’avantage de retarder son besoin de s’y recourir : « Je connais dans la zone, ici, plusieurs troupeaux qui sont déjà partis jusqu’au Togo. C’est donc la production fourragère qui fait que j’arrive à maintenir ici mon troupeau. » De plus, Oumarou est moins sujet aux détournement, au vol et à la vente frauduleuse de ses animaux car il les nourrit sur place et a plus de contrôle sur eux.
Malgré les difficultés, l’engagement reste
La vulgarisation de la production fourragère se heurte à des obstacles dont entre autre la divagation des animaux. Cependant, Oumarou ne se décourage pas. Il rêve de poursuivre sa production du fourrage, agrandir sa parcelle et la doter d’un système d’irrigation, « comme l’on voit souvent à la télévision, avant de partir et laisser ça aux enfants. »
L’expérience de Oumarou El hadj Bani Gasso, montre que la production fourragère pourrait être une alternative pour contribuer à la réduction des risques liés à la transhumance. Les autorités pourraient envisager la mise à l’échelle de cette production pour venir à bout de ce phénomène, source de conflits agriculteurs – éleveurs. « Je cherche un canal pour démontrer aux éleveurs l’avantage à cultiver du fourrage. Si j’avais eu la possibilité de m’exprimer à la radio, je l’aurai fait. Mais jusque-là je n’ai pas pu prouver aux autres éleveurs qu’ils pouvaient encore faire quelque chose d’extraordinaire pour prouver qu’ils sont des éleveurs dignes de ce nom. »