Le point des diplomates

Diplomates et cadres du DFAE donnent leur vision d’un sujet d’actualité dans l’une des rubriques de la newsletter de Communication DFAE, intitulée «Le point des diplomates». Découvrez leur texte en intégralité.

Tous les deux mois, diplomates et cadres du DFAE prennent la plume pour donner leur point de vue sur une thématique d’actualité et d’importance pour le département. 

Avril 2025

Ambassadeur Markus Leitner
Ambassadeur Markus Leitner © DFAE

Markus Leitner

Ambassadeur de Suisse au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni : chapeaux d’un autre temps, courses de bolides et nouvelle dynamique

Officiellement, je ne suis pas l’Ambassadeur de Suisse au Royaume-Uni, mais The Ambassador of the Swiss Confederation to the Court of the St James’s. Ce titre pompeux se reflète également dans l’étendue de ma garde-robe. Garden Party du roi, courses hippiques d’Ascot ou banquet du Lord Mayor de Londres : à chaque événement son code vestimentaire et, parfois aussi, son chapeau ! Le pays se plaît à cultiver ses traditions, mais on ne saurait réduire cet attachement tout britannique pour le faste et les costumes d’apparat à la seule nostalgie de l’Empire perdu.

Lorsque je suis invité à la High Table d’une université d’Oxford, surgissent certaines réminiscences de Harry Potter, mais ce que je ressens en particulier, c’est toute l’histoire qui habite cette institution centenaire. À table, je me retrouve aux côtés de l’élite britannique, avec les étudiants, chercheuses et professeurs les plus brillants du pays. Neuf des dix universités les plus prestigieuses d’Europe se trouvent sur sol britannique ou suisse. La recherche et la science sont donc un ciment important dans les relations entre nos deux pays.

Tout n’est pas rose pour autant : les Britanniques se plaignent des rivières polluées, des trains perpétuellement en retard et des nids de poule sur la chaussée. C’est surtout lorsque je quitte Londres que je remarque à quel point les infrastructures ont souffert par manque d’investissements. Et pourtant, aucun pays européen ne peut rivaliser avec le Royaume-Uni en termes de lauréats de prix Nobel, de victoires en Formule 1 ou de start-up à succès. C’est pourquoi je reçois régulièrement dans nos locaux des représentants de fonds de capital-risque, des investisseurs et des entrepreneuses suisses à l’occasion d’événements consacrés aux cleantech, aux fintech ou aux life sciences.

Ces rencontres sont aussi une belle occasion de montrer aux Britanniques que l’esprit novateur de la Suisse va bien au-delà des clichés perpétués autour des innovations suisses du XIXe siècle (chocolat, montres, couteaux de poche, Croix-Rouge).

Neuf ans après le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le débat sur le Brexit a pour ainsi dire disparu de la scène publique. On entend bien parler des entraves au commerce, de la bureaucratie et des tampons apposés sur les passeports britanniques, mais chacun sait qu’un nouveau référendum ne ferait que diviser une fois de plus la société. Fort de ce constat, le gouvernement travailliste s’attache à améliorer progressivement sa relation avec l’UE et cherche des solutions sur mesure dans les domaines de la sécurité, de l’énergie et du commerce. Une approche à la suisse en quelque sorte. Même si les Britanniques restent discrets sur leur stratégie européenne, nous sommes à leurs yeux des interlocuteurs intéressants, notamment dans le contexte des négociations que nous avons conclues avec l’UE à la fin de l’année dernière.

Résultat : les personnes qui possèdent la double nationalité suisse et britannique et qui ne veulent pas attendre de telles améliorations préfèrent désormais séjourner dans l’espace Schengen avec des papiers d’identité suisses. C’est pourquoi nous délivrons aujourd’hui à Londres plus de passeports que n’importe quelle autre ambassade de Suisse dans le monde.

La stratégie Mind the Gap adoptée à l’issue du Brexit nous a dotés d’un nouveau cadre dans lequel inscrire nos relations et nos accords bilatéraux, et nous a ouvert de nouvelles perspectives au fil des ans. Fin 2023, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a signé avec le Royaume-Uni un accord sur les services financiers, le Berne Financial Services Agreement, qui relie nos deux places financières par une approche innovante, fondée sur la reconnaissance mutuelle de nos systèmes de surveillance et des réglementations ad hoc. Une solution similaire a été élaborée pour nos certificats professionnels et nous nous attelons désormais à la modernisation et à l’extension de notre accord de libre-échange. Nos relations bilatérales ont gagné en dynamisme, c’est indéniable.

Les Britanniques se plaisent à mettre en avant la special relationship qui les lie aux États-Unis. Lors de sa récente visite au président Donald Trump, le premier ministre britannique Keir Starmer a donc investi beaucoup de soft power (dont même une invitation personnelle du roi) pour la renforcer. Le Royaume-Uni, qui se considère comme l’instigateur du libre-échange, se tient donc logiquement à l’écart du conflit commercial actuel. Il ne veut pas avoir à choisir entre l’Europe et les États-Unis et se voit avant tout comme un bâtisseur de ponts. Notamment dans le conflit en Ukraine, les Britanniques ont joué un rôle de premier plan pour renforcer leur propre dispositif de défense, intensifier l’engagement européen et intégrer ces éléments aux approches américaines. Dans ce contexte, Londres apprécie grandement les contributions fournies par la Suisse (p. ex. la conférence du Bürgenstock, la présidence suisse de l’OSCE).

Il y a fort à parier que lorsque le président Trump se rendra chez le roi pour sa deuxième visite d’État, le Royaume-Uni déploiera tout son faste et son apparat, s’appuyant sur ses traditions ancestrales pour défendre ses intérêts actuels. Mon costume de circonstance est en tout cas déjà prêt.

Contributions précédentes

Février 2025

Jacques Gerber
© DFAE

Jacques Gerber

Délégué du Conseil fédéral pour l’Ukraine

Trois ans de guerre en Ukraine – La Suisse engagée pour l’avenir

Fin février marquera le triste anniversaire des trois ans du début de la guerre à large échelle en Ukraine, un conflit qui a bouleversé des millions de vies et profondément transformé le paysage géopolitique mondial. Depuis ma prise de fonction, le 1ᵉʳ janvier de cette année, j’ai déjà eu l’occasion de mesurer l’ampleur des défis et des espoirs qui animent ce pays en guerre.

En novembre dernier, avant même mon entrée en fonction officielle, j’ai eu l’opportunité de me rendre en Ukraine, accompagné de deux collaborateurs de la Direction du développement et de la coopération du DFAE. Ce premier voyage m’a permis de plonger au cœur de la réalité ukrainienne. Notre ambassade à Kyiv nous avait préparé un programme dense, offrant un aperçu de l’engagement de la Suisse dans le pays. Nous avons pu constater l’impact des projets suisses dans des secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation, l’énergie, la promotion de la paix ou encore le déminage. Au-delà de la qualité des initiatives suisses, j’ai été frappé par la résilience des acteurs présents en Ukraine, qui continuent à croire en l’avenir de leur pays.

L’un des moments marquants de cette mission fut notre visite à Kharkiv. Cette ville, lourdement affectée par la guerre, incarne la souffrance de la population civile. Les déplacements forcés, la destruction des infrastructures et l’incertitude permanente dessinent une réalité tragique. C’est dans ces moments que nous pouvons voir la valeur ajoutée de notre engagement. 

Une mobilisation multilatérale et un engagement fort de la Suisse

J’ai quitté Kyiv pour me rendre, la semaine suivante, à la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Varsovie. Ce fut une occasion unique d’échanger avec mes homologues internationaux. La reconstruction de l’Ukraine représente un défi colossal nécessitant une collaboration efficace et une mutualisation des ressources entre les pays donateurs. 

Plus récemment, le WEF à Davos m’a permis de dialoguer pendant trois jours avec de nombreux responsables politiques et économiques ukrainiens, dont le président Zelensky et plusieurs de ses ministres. 

J’ai particulièrement apprécié mes échanges avec la ministre de l’Economie, Svyrydenko, et le ministre de l’Agriculture, Koval. Ces rencontres nous ont permis de mieux cerner les besoins des Ukrainiens et de présenter simultanément les offres potentielles des entreprises suisses souhaitant investir en Ukraine.

Un Memorandum of Understanding a été signé lors d’une de ces rencontres entre le conseiller fédéral Parmelin et la ministre Svyrydenko, marquant le lancement d’un premier appel d’offres de 50 millions de francs pour soutenir les entreprises suisses déjà présentes en Ukraine.

Un rôle transversal et des défis à relever

En tant que délégué du Conseil fédéral, ma mission est de diriger, piloter et garantir la bonne mise en œuvre du programme suisse pour l’Ukraine, doté d’un financement de 1,5 milliard de francs sur quatre ans (2025-2028). Ce programme couvre plusieurs axes : aide humanitaire, développement, promotion de la paix et reconstruction. L’un de ses volets est le soutien aux entreprises suisses, avec une enveloppe de 500 millions de francs destinée à des projets pour l’Ukraine. Par cette approche, la Suisse innove et doit, pour ce faire, réinventer certains processus et modes de pensée, voire imaginer la reconstruction d’un pays avec l’aide du secteur privé.

Le poste de délégué s’inscrit dans cette démarche novatrice, visant à garantir les synergies entre plusieurs départements fédéraux. Il s’agit d’un défi organisationnel majeur, mais également d’une source de motivation exceptionnelle. L’objectif est d’instaurer une gouvernance agile, évitant la superposition inutile de structures administratives. De nouveaux mécanismes devront certainement être développés pour assurer une gestion efficace et transparente des fonds alloués.

L’engagement suisse en Ukraine ne se limite pas à une aide ponctuelle. Il vise à accompagner le pays sur le long terme, en renforçant sa résilience et en contribuant à la reconstruction d’une nation éprise de liberté. Cette responsabilité est immense, mais elle est à la hauteur des valeurs que la Suisse défend.

Décembre 2024

Maya Tissafi
© DFAE

Maya Tissafi

Ambassadrice de Suisse pour l’Inde et le Bhoutan, basée à New Delhi

Lorsque je suis arrivée en Inde il y a trois mois, j’ai tout de suite été impressionnée par la diversité qui se reflète dans la multitude de langues, de religions et de traditions qui se côtoient. Découvrir Delhi a été une expérience multisensorielle dont les images se sont aussitôt imprimées dans ma mémoire: les claxons des voitures qui se frayent un chemin dans la capitale, forte de 33 millions d’habitants, de ce pays le plus peuplé au monde; des vaches et des singes qui traversent subitement la rue principale; les couples d’amoureux qui se promènent dans les nombreux parcs publics qui nous évoquent des temps plus anciens; le vieux Delhi foisonnant d’odeurs, de couleurs, de bruits et de marchands qui proposent leurs produits; au milieu du quartier, une petite bibliothèque, qui conserve quelques rares textes religieux du christianisme et de l’islam ; dans une ruelle latérale, un horloger formé en Suisse qui redonne vie à n’importe quelle montre cassée dans sa Time Klinik. Ici, le temps semble s’être arrêté.

Mon premier voyage de service à Bangalore m’emmène «vers le futur». La troisième plus grande ville indienne, connue comme la «Silicon Valley de l’Inde», s’est développée en un centre névralgique pour les instituts de recherche, les start-up et les entreprises actives dans les domaines de l’informatique, des biotechnologies et des activités spatiales. La Suisse y a créé il y a un an l’Indo-Swiss Innovation Platform, une plateforme qui encourage les initiatives lancées dans les secteurs de la santé, de la durabilité et de la transformation numérique. Ici, les scientifiques travaillent sur de nouvelles technologies, dont l’essor est fulgurant.

Lorsque l’indice de la qualité de l’air atteint 1701 à New Dehli, alors que cette valeur baisse à 17 à Berne, je suis ramenée d’un seul coup dans le présent. Grâce à la technologie suisse d’IQ Air, nous savons que cette brume n’a rien à voir avec du brouillard... Le climat est une priorité du programme de la DDC, dont les activités ont enregistré quelques beaux succès, qui ont été reproduits dans les pays voisins: un ciment à prix abordable et à faible teneur en carbone (LC3) a été développé avec l’EPFL et Holcim; le Clean Air Program, qui forme les autorités aux mesures de lutte contre la pollution de l’air, a été étendu aux pays voisins, le Bangladesh et le Népal; un système de détection installé dans l’Himalaya aide la Suisse à mieux comprendre la fonte des glaciers alpins; et la formation du corps indien d’intervention en cas de catastrophe devrait permettre à l’Inde de réagir efficacement aux catastrophes.

Le moment arrive enfin pour moi, en tant que première ambassadrice de Suisse en Inde, de présenter mes lettres de créance à la première présidente indigène, issue d’une communauté tribale marginalisée. C’est un honneur très particulier que cette visite, qui se déroule sous le regard impassible des lanciers, une sensation amplifiée par l’immensité du palais qui, malgré la présence d’un buste de Ghandi et quelques samosas végétariens, évoque l’empire d’antan.

La présidente aborde l’accord de libre-échange que les pays de l’AELE et l’Inde ont signé en mars de cette année après 16 ans d’âpres négociations. Sa ratification ouvrira un nouveau chapitre dans les relations bilatérales. Les priorités sont claires: investissement, innovation et durabilité.

Hitachi Energy Zurich entend développer la production, la recherche numérique ainsi que le développement de talents. Zurich Airport International a remporté le contrat de construction de l’aéroport de Noida à Delhi et l’entreprise technologique suisse Bühler prévoit d’augmenter ses capacités de production dans le secteur alimentaire. L’Inde présente un fort attrait pour les entreprises suisses.

Pour les nombreux acteurs politiques, économiques et académiques que j’ai rencontrés au cours de mes premiers mois en Inde, la collaboration a entraîné une nette revalorisation de ce pays: démocratie en plein essor, l’Inde devient un partenaire incontournable pour l’Europe de par son rôle de partenaire géopolitique dans l’espace indopacifique et son dynamisme économique.

Contrairement à la Chine ou à la Russie, l’Inde est une puissance plutôt stabilisatrice, qui ne remet pas en question l’ordre international. Elle tient néanmoins à son autonomie stratégique et entend mettre à profit la rivalité sino-américaine pour faire avancer ses propres ambitions.

L’Inde est centrale, mais pas dominante: elle a un effet équilibrant au sein des BRICS et s’est prudemment tournée vers l’Occident. À l’international, le résultat des élections parlementaires est perçu comme l’expression même de ses aspirations démocratiques. L’Inde est courtisée au niveau international et a la certitude que son tour est venu. Ceux qui ne parviennent pas à prendre le train en marche resteront à quai.

Pour répondre aux défis de l’Inde et saisir les opportunités qui s’offrent à elle, la Suisse doit pouvoir s’appuyer sur son réseau: quatre départements (DFAE, DFF, DDPS, DEFR) et quatre partenaires (Suisse Tourisme, Switzerland Global Enterprise, Swissnex, Pro Helvetia) tirent à la même corde en s’appuyant sur le ONE-Switzerland Spirit et la devise bisannuelle Sustainability with a Plus, que ce soit dans la mise en œuvre de l’accord de libre-échange, dans la coopération scientifique ou encore dans le domaine de l’environnement.

La fin de l’année approche à grands pas et il suffit de faire un tour dans le plus grand centre de visas suisse au monde pour se rendre compte qu’ici, on effectue un travail de fond, qui constitue la base même de toutes nos activités. Depuis les films Bollywood des années 1970, dont l’action se déroulait principalement dans l’Oberland bernois, la Suisse est une destination touristique très prisée. De zéro visa émis pendant l’épidémie de COVID-19, Delhi est passée à une production de 200 000 visas en 2023, avec la perspective d’une nouvelle progression de 10 %. L’émission de visas entraîne des recettes annuelles de 17 millions de francs. La diplomatie suisse en Inde ne coûte rien, mais rapporte de l’argent supplémentaire au contribuable suisse.

L’Inde, justement – géopolitiquement et économiquement incontournable, pleine de contrastes et de surprises. 

Octobre 2024

Ralf Eckner
© DFAE

Ralf Heckner

Ambassadeur de Suisse aux États-Unis

Comment notre retour à Washington D.C. va-t-il se passer, après 17 ans?

C’est la question que nous nous sommes posée, ma femme et moi, en préparant le transfert de New Delhi à Washington.

À première vue, rien n’a changé: la rue, la maison dans laquelle nous avons vécu quatre ans et demi avec notre petite famille, nos voisins de l’époque, le jardin d’enfants, l’école et l’église que fréquentaient nos enfants, les restaurants et les centres commerciaux. Même sur le plan professionnel, tout semble pareil. À l’époque, entre 2003 et 2007, j’étais responsable du mandat iranien. Aujourd’hui encore, la Suisse représente les intérêts des États-Unis vis-à-vis de la République islamique.

C’est en y regardant de plus près que l’on décèle les changements. Dans les magasins, le prix des aliments semble avoir atteint le niveau suisse. Il en va de même au moment de régler l’addition au restaurant. L’inflation a indubitablement laissé des traces. Il n’est donc pas étonnant que celle-ci figure parmi les thèmes de la campagne électorale et que la population américaine se demande si les ménages se portent mieux aujourd’hui qu’il y a quatre ans.

Je profite de mes premiers voyages de service à Austin (Texas), Chicago, Atlanta (Géorgie), Charlotte (Caroline du Nord), Columbus et Greer (Caroline du Sud) pour prendre le pouls de «l’Amérique». Je suis impressionné par ce qui se passe dans le sud des États-Unis. À gauche et à droite de la Highway 85 qui quitte Atlanta en direction du nord, on observe une multitude de nouveaux lotissements d’entreprises et d’usines de production. Je me rends à Greer pour l’inauguration d’un site de production d’une entreprise suisse basée au Tessin.

À Charlotte (Caroline du Nord), les gens se portent bien et cela se voit. Des restaurants chers et à la mode côtoient de grands bâtiments arborant le nom de sociétés bancaires. La ville a même un musée d’art moderne conçu par Botta et offert par un industriel suisse amateur d’art. Ce musée est aussi un symbole de la présence historique de l’industrie suisse des machines textiles dans la Cotton Belt.

Lors de mon vol entre Austin et Chicago, je reprends conscience de la taille des États-Unis et des avantages géographiques dont jouit le pays. Le fleuve Mississippi ressemble à une immense artère qui relie les Grands Lacs d’Amérique du Nord au Golfe du Mexique. À Chicago, lors de l’un des plus grands salons de l’ingénierie mécanique, un représentant de la municipalité locale mentionne que les Grands Lacs contiennent à eux seuls 20 % des réserves mondiales d’eau douce, une réserve véritablement stratégique dans un monde en plein changement climatique.

Les relations économiques entre la Suisse et les États-Unis vont bien. On le sent. On l’entend. Mais il y a un bémol. Les entreprises suisses sont confrontées à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Je comprends maintenant pourquoi le gouvernement américain et les gouvernements des différents États sont si intéressés par une coopération avec la Suisse et ses entreprises dans le domaine des filières d’apprentissage.

Je suis impressionné par le nombre de secteurs d’avenir dans lesquels la Suisse et les États-Unis peuvent entamer une coopération. Les technologies émergentes, notamment, représentent une nouvelle dimension stratégique des relations bilatérales : politique numérique, cybersécurité, intelligence artificielle, technologie quantique, biotechnologie, semi-conducteurs ou encore politique spatiale. Pour nos relations bilatérales, la règle semble être littéralement «The sky is the limit».

Et puis il y a la politique intérieure. À quelques semaines de l’élection présidentielle, on voit étonnamment peu de signes indiquant une orientation politique dans ce district de la capitale, dominé par les démocrates. J’ai fait le même constat en Caroline du Sud, un État à nette majorité républicaine. Cela s’explique par le fait que la campagne électorale ne se déroule en fait que dans sept États pivots, les fameux swing states. Dans ces États, la majorité du scrutin est susceptible de basculer brusquement d’un côté comme de l’autre, avec un impact d’autant plus retentissant sur le résultat final. Les habitants de Géorgie ou de Pennsylvanie expriment leur lassitude face à la diffusion incessante de slogans électoraux, à laquelle les deux camps consacrent des centaines de millions de dollars. Outre le renchérissement, la campagne électorale aborde les questions de l’immigration, du droit à l’avortement et de la démocratie.

Et oui, le climat politique est polarisé, ce qui n’est pas vraiment surprenant en période de campagne électorale. Le ton s’est fait plus acerbe, surtout devant les caméras, et on évoque, selon la perspective, avec inquiétude ou espoir le résultat possible des élections. En dehors du tapage médiatique, les républicains et les démocrates sont tout à fait en mesure de discuter. J’ai pu m’en rendre compte à l’occasion d’un dîner à la résidence en compagnie d’assistants parlementaires des deux partis. Ce groupe d’assistants parlementaires s’était rendu en Suisse au printemps. Le voyage a forgé un lien.

Et certains thèmes ne divisent pas. À savoir la Chine. Lors de mon dernier séjour à Washington D.C., c’était Al-Qaida, l’État islamique et la guerre en Irak. Aujourd’hui, c’est la Chine qui fait office de thème politique global rassemblant républicains et démocrates. Si l’on veut comprendre la politique américaine actuelle et future en matière de sécurité, d’affaires étrangères, d’économie et de science, il faut l’observer à travers le prisme de la politique chinoise menée par les États-Unis. Il n’est donc pas étonnant que, durant mes deux premiers mois, tout le monde ne m’ait parlé que de politique industrielle, un mot qui était clairement mal vu il y a vingt ans.

C’est ça aussi, les États-Unis d’Amérique: un pays capable de s’adapter et de changer à une vitesse fulgurante. Dans nos relations bilatérales, il s’agit donc, comme toujours, faire preuve d’une grande flexibilité.

Août 2024

Jürg Lauber
© DFAE

Jürg Lauber, ambassadeur

Représentant permanent de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève et secrétaire général de la 34ème Conférence internationale de la Croix Rouge et du Croissant Rouge

Les Conventions de Genève m’accompagnent au quotidien. Pas seulement parce qu’elles marquent le point de départ historique du multilatéralisme moderne, mais aussi parce qu’elles sont l’expression même de la volonté de préserver l’humanité, toujours et partout dans le monde. Je les perçois comme une source de responsabilité et d’inspiration dans presque tous les dossiers que je suis appelé à traiter, quel que soit le domaine concerné: droit international humanitaire, droits de l’homme, réfugiés, santé mondiale, défis posés par les nouvelles technologies et tant d’autres.

Les Conventions de Genève de 1949 ont été adoptées au lendemain des horreurs commises lors des deux guerres mondiales. Elles sont les seuls traités internationaux que tous les États du monde se sont engagés à respecter. Chaque jour, elles font la preuve de leur utilité dans d’innombrables contextes, par exemple lorsqu’une ambulance est autorisée à accéder à une zone de combat ou lorsqu’un prisonnier de guerre reçoit la visite d’une déléguée du CICR.

Les célébrations du 75ème anniversaire des Conventions de Genève s’inscrivent toutefois dans une époque marquée par une multiplication des conflits armés et des allégations d’atrocités commises dans ce cadre-là. D’où l’importance, à l’occasion de cet anniversaire, de rappeler le caractère fondamental de ces conventions.

La 34ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui se tiendra à Genève du 28 au 31 octobre 2024, nous invite elle aussi à la réflexion. Y participeront les parties aux Conventions de Genève (États) ainsi que les membres du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (les sociétés nationales, leur fédération internationale [FICR] et le Comité international de la Croix-Rouge [CICR]). Face aux bouleversements et aux incertitudes qui pèsent sur le monde, les parties sont appelées à réaffirmer leur attachement au cadre réglementaire existant, mais aussi à chercher des réponses aux nouveaux défis sociétaux et technologiques, comme le recours aux technologies numériques dans les conflits armés ou les efforts pour adapter encore mieux l’aide humanitaire aux besoins locaux. Un autre objectif consistera à améliorer l’identification et l’anticipation des catastrophes humanitaires et à limiter leur impact par l’adoption de mesures appropriées.

La Suisse soutient la conférence de diverses manières, notamment en me confiant dans ce cadre une fonction consultative en qualité de secrétaire général (désigné). En ce qui me concerne, je peux dire que la boucle est bouclée, puisque j’ai commencé ma carrière diplomatique en tant que collaborateur de l’unité du DFAE compétente en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire (Conventions de Genève). Auparavant, j’avais eu l’occasion d’apprendre à connaître et à apprécier le travail accompli par le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge lors des missions que j’ai effectuées sur le terrain, notamment en Namibie, où des délégués du CICR assuraient une protection humanitaire de part et d’autre de la frontière avec l’Angola, ou dans la péninsule coréenne, où les bureaux des deux Sociétés nationales de la Croix-Rouge situés dans la ville frontalière de Panmunjom constituent aujourd’hui encore l’un des rares canaux de communication entre le Nord et le Sud.

Le lien de proximité particulier que la Suisse entretient avec le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge m’a accompagné aux quatre coins du monde dans ma fonction de diplomate. Mais c’est bien sûr à mon poste actuel, à Genève, que je le perçois le mieux. Ici, je me rends compte chaque jour à quel point le prestige du mouvement et surtout du CICR rejaillit sur la Suisse, mais aussi à quel point les attentes des autres États à l’égard de la Suisse sont élevées et combien ils observent attentivement la manière dont nous nous comportons en tant que partie aux Conventions, État hôte et pays donateur. Le 75ème anniversaire des Conventions de Genève et la 34ème Conférence internationale nous donnent donc aussi l’occasion de montrer à quel point nous avons à cœur d’assumer cette responsabilité particulière.

Dernière mise à jour 23.04.2025

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